Les 6 raisons pour lesquelles voter n’a plus aucun sens en 2017

Hazukashi
30 min readMay 3, 2017

Quoi ?! Tu n’es pas allé voter ? Mais on s’est battu pour ça ! Voilà ce qu’elle me sort ma mère, à chaque fois que je me réveille trop bourré pour aller aux urnes le dimanche… Un jour faudra bien que je lui dise tout… Bon.

Ce sera donc ici la première et dernière fois que je parlerai de politique. Le goût pour le militantisme, ça marque un visage. Les politiques portent le plus souvent leur porcherie intérieure sur leur gueule, et si vous ne me croyez pas, prêtez-vous au jeu, faites attention aux regards, rictus, intonations et tics faciaux des principaux intéressés, à la télévision. C’est un vice, et ça se voit. Il faut vraiment être pervers pour décider de consacrer sa vie à se mêler du destin des autres. Bien heureusement, cette envie de politique est en train de disparaître, peu à peu, malgré ce que peut laisser croire le barnum médiatique quotidien, entre mobilisation de l’électorat, tentation populiste et sursaut républicain. Nous allons voir pourquoi.

1.Notre société est économique et individualiste

Jusqu’au XXI ème siècle, les êtres humains ont mené des existences plus ou moins absurdes. Des vies pleines de repères, mais dénuées de sens. Longtemps, ces vies furent vides et isolées. Des vies courtes et dures, soumises au labeur, à la maladie, la famine et la mort. Dieu et la religion étaient alors là comme arrières-mondes, comme béquilles pour donner une justification à ces existences abjectes et stériles.

En effet, lorsqu’on a une vie merdique, qu’à trente ans on a déjà enterré deux de ses fils, la moitié des dents déchaussées, et un pied-bot à cause de multiples carences alimentaires, on a tendance à croire le livre qui vous explique qu’en réalité, tout ceci n’est qu’une mauvaise blague, un moment à passer, que la vraie vie commence après la mort, et qu’elle est glorieuse et pleine de paillettes. Les affres d’une existence charnelle entièrement vouée à la méiose sont bien plus supportables lorsque l’on sait que l’on est simplement puni parce que votre ancêtre à fait le zouave dans un jardin magique. Soudain, ça fait du sens, comme on dit en open-space devant une baseline suffisamment impactante.

Quelle ironie tragique, lorsqu’on y pense, que de remplacer le néant par un avenir parfait et utopique. Il fallait vraiment que les gens soient désespérés pour gober de pareilles âneries… Tellement désespérés qu’ils se tuaient à la tâche sur plusieurs dizaines d’années pour bâtir d’immenses et subtils édifices en pierre à la gloire de cette promesse de vie éternelle. On met plus facilement sa peau sur la table lorsque l’on sait qu’elle ne vaut rien.

Pour comprendre cet état d’esprit, tâchons d’imaginer la vie d’une ville médiévale, entièrement régie par le Sacré, tout à fait ritualisée, un monde pas encore Désenchanté où Dieu est partout, tout le temps, et règle la journée à coups de cloches. Pas une miette de la réalité qui ne soit pas enrobée par la foi. Un air poisseux, une atmosphère épaisse de mysticisme recouvrant tout, et les cinq sens plus la psyché entièrement engloutis dans l’hystérie du Divin. Comme le monde doit être sec aujourd’hui en comparaison, comme notre civilisation doit sembler momifiée, avec ses abbayes-musées et ses églises où errent deux-trois octogénaires…

Outre Dieu, les Hommes ont de toute manière toujours eu tendance à se fixer des devoirs arbitraires pour éviter d’avoir à contempler l’Abîme : la nation, la guerre, le sport, que sais-je encore… La défense d’idéaux saugrenus et aléatoires… Cette manie de s’agiter frénétiquement dans le fictif, un peu à la manière d’un chat jouant avec sa queue, lorsqu’il n’a rien de plus consistant à chasser, et qu’il ne se rend pas tout à fait compte qu’il s’est imposé un leurre pour faire passer le temps en attendant la mort.

Puis avec les Lumières et l’industrialisation, vint le temps des idéologies. Un temps qui dura jusqu’à la fin du XXème siècle, jusqu’à la Chute de l’URSS, jusqu’à ma génération à peu près. Un temps absurde, deux cent années où les progrès de la Science avaient tout juste rendu Dieu obsolète, mais n’avaient pas réussi à abolir ses tristes remplaçants : les idées politiques. Dans leur quête désespérée d’autonomie entamée par Jésus-Christ, les Occidentaux ont arraché leur liberté des griffes de la religion pour immédiatement se délester de cet encombrant fardeau et le jeter dans le Moloch du politique. L’esprit des Lumières en Europe constitue le moment-charnière, avec tentative de reboot total du rapport au monde: politisation des citoyens, calendrier chelou, Culte de l’Être Suprême, bolossage systématique des Nobles et du Clergé…

Ce changement de weltanschauung embraye directement sur la révolution industrielle, et la montée des idéologies. C’était un temps particulièrement étrange où l’on pouvait crever le sourire aux lèvres pour des idées. Mourir pour des idées. Mourir pour la France, pour le Reich, pour le Communisme, pour la Liberté… En bref, mourir pour une façon de gérer l’Etat. Là encore, les Hommes faisaient fièrement l’étalage d’un connerie bouleversante. Nouvelle ritualisation du monde. On s’imagine aujourd’hui assez mal mourir pour une entité qui n’est plus autre chose que l’équivalent Routes, Armée et Santé de la SNCF… François Hollande n’est qu’un autre Guillaume Pepy.

Que le fascisme et le marxisme aient réussi à se positionner respectivement en messianisme et millénarisme athées laisse songeur quant à la nature humaine et son besoin désespéré de fiction. Heureusement, la post-modernité, l’augmentation du confort matériel et l’émergence d’internet ont profondément sapé cette affreux état d’esprit : aujourd’hui, les gens se contentent de militer pour que Mc Donald’s livre à domicile, car sortir de chez eux pour aller se traîner dans un endroit impersonnel empestant le graillon pour ramener un Big Mac représente désormais un effort considérable. Ils rejoignent également des groupes Facebook pour le retour en France de Burger King. Ils se battent sur Twitter pour qu’il y ait plus de bisous après des attentats. Ils ne sont plus prêts du tout à mourir pour quoi que ce soit. C’est une limitation saine de la conviction politique. Un cantonnement de l’opinion à la sphère privée, si l’on peut dire. Certes, on rencontre encore parfois quelques instituteurs sans-gène en écharpes rouge qui manifestent en pleine rue comme d’incoercibles salafistes déroulant leurs tapis de prière sur les pavés de la Goutte d’Or, mais dans l’ensemble, la plupart des gens sont devenus polis. Un jour, je le sais, notre pays sera politiquement laïc, et des gens comme Jean-Luc Mélenchon ou Nicolas Dupont-Aignan n’auront plus le droit de nous étaler leurs convictions sur la gueule, en public, comme ces types qui sortent leur sexe dans les wagons de la ligne 4.

En effet, après avoir déposé leur individualité et leur liberté dans les bras visqueux du militantisme politique, les Hommes ont fini par se lasser, surtout après le monceau de cadavres issu des grands conflits idéologiques de la seconde guerre mondiale. Dans les années 60, en Europe et en Amérique, ils ont donc, prétextant un engagement maoïste/anarchiste/whatever alors qu’ils voulaient simplement baiser des filles et fumer des joints, fini de décrédibiliser les idéologies, brisé le pouvoir politique traditionnel à la papa, et l’ont involontairement placé dans les mains de l’entité restante: la sphère économique, le Marché. Inutile de s’attarder sur ce point, les débouchées libérales et individualistes de Mai 68 ont déjà été analysées par plein de gens, Houellebecq en tête. Nous savons tous aujourd’hui que Lloyd Blankfein, Larry Page ou Elon Musk ont plus de pouvoir que François Hollande, et que les gens préfèrent porter un uniforme Adidas plutôt qu’un uniforme de l’armée française.

Souci: le Marché, contrairement au religieux et au politique, ne fixe pas de Repères aux gens, et ne leur donne pas du Sens à mâchonner. Ça le rend nerveux le peuple, d’être libre. Il trouve que la main invisible est un Dieu bien ingrat, qui extirpe l’Asie de la misère et fournit des écrans plats et des iPhones à tous les smicards du Nord-Pas-de-Calais, mais qui n’a pas la délicatesse de leur offrir de transcendance clefs-en-main.

Que font-ils alors, ces braves gens ? La plupart deviennent dépressifs, certains restent coincés dans le politique, d’autres replongent carrément dans le religieux, ils retournent au début du cycle…Ils piochent des morceaux dans les religions qui leur plaisent, font leur tambouille, et se proclament ensuite juifs, chrétiens ou musulmans. J’ai un copain qui va à la messe chaque semaine, qui se dit catholique, et qui utilise des préservatifs. Bricolage spirituel. Ils ne sont que déistes, au même titre que la plupart des non-croyants, qui s’inventent une saloperie de créateur paternel pour calmer leur peur panique de la mort et de leur propre finitude. Leur hypocrisie est sans limite, une excuse pour échapper coûte que coûte à la blessure narcissique. Ils refusent l’angoisse métaphysique d’être Soi. C’est inimaginable, l’orgueil et l’égocentrisme qu’il faut avoir pour penser qu’il y a quelque chose au-dessus de sa tête.

2. Le militantisme n’est qu’un hobby pour passer le temps (en attendant la mort)

Mais je divague. Penchons-nous sur le cas qui nous intéresse: les individus ayant voué leur vie à une cause idéologique. Il en reste suffisamment pour que l’échantillon d’étude soit représentatif. On dit qu’ils ont fait carrière en politique. Ces gens là sont de plus en plus marginalisés, leur pouvoir est en pleine déliquescence, et par conséquent, ils multiplient leurs interventions dans les média (mais qui s’intéresse aux média de nos jours, à part les journalistes et les hommes politiques ?), en gueulant et en s’indignant le plus fort possible pour témoigner de leur présence au monde.. On peut rencontrer ces people comme les autres sous deux formats :

Tout d’abord le format “arc républicain” : ces militants sont entrés en politique par les partis de centre gauche ou droit. Ce sont principalement des fonctionnaires et des bureaucrates pleins de morgue, bouffis d’orgueil, persuadés qu’ils sont d’êtres des “serviteurs de l’Etat”. Après avoir reçu leur diplôme de l’ENA, ils ont arrêté de travailler et on simplement choisi le parti où il y avait le plus de place pour prendre du bide. Les cas de Ségolène Royal et de François Hollande constituent de parfaits exemples : élevés dans des familles catholiques traditionnelles, tout les portait à militer à droite. Ils ont cependant fait carrière au Parti Socialiste car à l’époque, le RPR étant tenu par une poignée de barons, impossible d’y entrer. On le voit, l’engagement de ces militants s’est surtout cantonné à trouver la bonne planque. Ils sont néanmoins un peu désabusés par l’effondrement progressif du pouvoir politique au profit du pouvoir économique. Ils moralisent, du coup, nous rappellent sans cesse l’importance du “pacte républicain” et des “devoirs” du “citoyen”. Ils finissent leur carrière avec les honneurs, loués par les journalistes et l’opinion publique en général (Jacques Chirac), après avoir fait trois repas par jour sur le dos du contribuable et une vie pleine d’aventures, du concours de l’ENA à la lutte contre leur cholestérol en passant par quelques visites au salon de l’agriculture (Jacques Chirac, toujours, option Philippe Séguin).

Vient ensuite le format X-treme : ceux-là sont plus que désabusés, aujourd’hui, et font carrément peine à voir. Eux ont choisi le PCF ou le FN, le Front de Gauche ou les Identitaires, voire même des groupuscules plus radicaux et dissidents encore, bref, ils sont “sortis de l’arc républicain” comme on dit. Ils se sont choisis une religion de perdants, et leur structure mentale utopiste les a trahi en leur faisant croire que si l’on imprimait une conception idéale de la société sur la réalité, cela finirait bien par marcher en appuyant assez fort et assez longtemps. Ils ont passé toute leur existence sans se remettre une fois en question, essayant désespérément de faire rentrer le cube dans le trou rond et la boule dans le trou carré, tournant en boucle, refusant d’évoluer. La quarantaine passé, ils ne sont plus qu’échec, aigreur et frustration. Une vie consacrée à rien sinon à des chimères. Ces gens et leurs discours ne font perdre de temps à personne, ils étaient déjà foutus à la base. Cela doit faire tout drôle d’être un militant communiste en 2017, prisonnier de lui-même dans un monde où le libéralisme est si victorieux qu’il en a éclipsé tous les autres modèles de société.

Le film Mourir à Trente Ans, de Romain Goupil, les documentaires sur les Brigades Rouges, les Années de Plomb, les Skin Heads, les AntiFa, les vidéos d’Alain Soral, les discours d’Arlette Laguiller et la bande-dessinée Les Phalanges de l’Ordre Noir d’Enki Bilal illustrent bien le désespoir existentiel suintant des personnalités engagées dans des partis X-treme.

3. Le militant généralise ses névroses au reste du monde (en faisant chier tout le monde)

Celui qui utilise son esprit pour étudier la réalité ne comprendra ni son esprit ni la réalité. Celui qui étudie la réalité sans utiliser son esprit comprendra les deux.” Bodhidharma.

L’humanité se divise en deux camps irréconciliables: les platoniciens et les aristotéliciens. Le politicien est un platonicien pur et dur, un idéaliste de la pire espèce, qui pense pouvoir enfermer la complexité du monde dans le cadre étroit de ses fantasmes (sauf si c’est un cynique avide de pouvoir et de trolling: il a dans ce cas tout mon soutien, mangez des pommes).

La politique est un romantisme, et ça c’est vachement top-down, comme on dit en urbanisme. On cherche à modeler le réel via une conception théorique (sortie en général de son propre fondement). L’aristotélicien lui, c’est un pragmatique, un réaliste bottom-top, qui va partir de la réalité, et essayer de faire avec, d’utiliser sa raison pour en tirer partie. C’est moins prétentieux déjà, ça met plus en valeur notre néo-cortex, ça nous sort un peu du délire et nous humilie moins en tant qu’espèce.

L’idéaliste platonicien est un anti-nietzschéen par nature, lorsqu’au grand jeu de dés de la vie il tire un 2 et un 3, il va fantasmer un double 6, voire un monde où tout le monde ferait double 6, au lieu d’essayer de faire un truc potable avec son 2 et son 3. Il envisagera la politique comme une belle aventure permettant de construire une société formidable au lieu de la routine de fonx de catégorie A qu’elle est réellement.

Le totalitaire est d’ailleurs la quintessence de ce système de pensée, c’est à ça qu’on le reconnaît: un refus du monde objectif. “Ce ne sont pas les idées qu’ils faut changer, ce sont les gens”. “Soyons réalistes, exigeons l’impossible.” etc. Son but est faire de l’univers imparfait un monde d’ordre et de beauté, de l’ensabler dans une uniformité et une paix perpétuelles. Il veut réparer le monde, et cherche vainement à freiner sa déchéance personnelle, et dans son hubris hors de contrôle, notre déchéance à tous..

Logiciel mental de l’ablation. Vision parfaitement incarnée par la médecine occidentale: “Si le patient à mal à la jambe, on coupe la jambe.” En l’occurrence, pour le totalitaire, si l’on a mal à la société, on coupe la bourgeoisie ou le Juif. Eschatologie de classe (le classisme marxiste) contre eschatologie de race (le racisme fasciste), lutte des classes communiste contre lutte des races nazie. Prolétaires de tous les pays unissez-vous, Aryens de toutes les classes sociales, unissez-vous !

On cherche à réaliser le Paradis sur Terre, à rendre tout le monde égal (lol), et malheureusement, le seul moyen d’y arriver, compte-tenu de la réalité humaine, consiste à passer par un nivellement par le bas systématique. Il est beaucoup plus facile de rendre tout le monde égal en déportant ceux qui ne le sont pas assez, ou un peu trop. On a en fin de compte surtout affaire à un péché d’orgueil monumental: penser que l’on peut enfermer toute la complexité humaine dans une idée sortie du cerveau d’un humain. La différence est une horreur, elle sous-entend chaos, guerre de tous contre tous, imprévisibilité, et ça l’angoisse beaucoup, le totalitaire, il voudrait mettre le monde dans un logiciel simple et binaire, comme un religieux, dans un plan quinquennal, pour faire court (leur petit cousin trisomique, l’antiracisme, mélange les deux, trotskisme bas du front et réflexe identitaire, pour abolir les classes sociales, il faut d’abord effacer les particularités physiques des hommes. “Le Blanc est un sale bourgeois colon nazi, métissons-le, car les races n’existent pas, surtout quand on aura tous la même tronche.”). “L’Histoire de l’Humanité est avant tout l’Histoire de la Lutte des Classes” est sans doute la conception de l’Histoire la plus simpliste de tous les temps, à ce propos. Nan mais sérieux. L’Histoire de l’Univers depuis le Big Bang est avant tout l’Histoire de Pokémon Version Rouge. Karl Marx, penseur.

Nous sommes à chaque fois plongés dans la renarcissisation exacerbée de l’individu sur des bases tout à fait imméritées. C’est le complexe de l’héritier. Il faut savoir hériter, savoir se montrer digne de ceux qui nous ont précédés, certes, mais sans leur usurper leur gloire. Avec le fascisme, par exemple, on a l’usurpation des joyaux de la civilisation par un skin-head à bourrelet de nuque. Il suffit de constater le patchwork identitaire branlant élaboré par les nazis: socialisme, capitalisme, nationalisme, racines germaniques, héritage romain, paganisme, athéisme, christianisme, scientisme, mysticisme, écologie, industrie lourde, c’est un pot-pourri, un mega-medley regroupant tout ce qui a pu à un moment faire la fierté de l’Europe. Et toujours la même passion de l’ablation: pour que l’Aryen soit réellement une race supérieure, il faut qu’elle soit la seule.

Ces gens ont l’amour du même dans la peau. Et on peut comprendre que ça soit tentant de se réfugier là-dedans…Suffit de regarder évoluer de vrais jumeaux pour comprendre ce qui leur plaît, aux militants politiques… De voir deux êtres identiques, ayant le même rapport au monde, le même langage, le même visage, soudés envers et contre tout, jamais seuls face à eux-même. Deux êtres se comprenant instantanément, d’un regard. Si toute l’humanité était comme ça, enfin les Hommes se tiendraient la main pour faire une grande ronde autour du monde ! Fantasme de transformer l’altérité radicale en autre Moi. Le totalitaire n’a jamais dépassé le stade du miroir, et rêve de passer sa vie à se masturber devant, d’enlever des morceaux du monde qui l’entoure jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus que son reflet..

C’est en somme une volonté de vouloir conclure (soit la définition même de la bêtise) que de vouloir réparer le monde, de vouloir mettre un sens définitif au chaos grouillant de la présence humaine sur la Terre.

“Nous changerons le Monde en nous changeant nous-mêmes. Je ne pense pas que vous puissiez vraiment changer le Monde à l’extérieur tant que vous n’avez pas changé le Monde à l’intérieur de vous-même.” Gandhi, ou une publicité pour Bio de Danone, je ne sais plus déso

De la base militante au statut de dirigeant de parti, tout le parcours d’un homme politique est placé sous le signe de son égo bouffi. C’est une faille dans sa construction narcissique qui le pousse à s’engager, qui lui donne cette envie perverse de sortir de son jardin pour entrer dans le votre et aller vous renifler le slip… C’est un besoin énorme de grosses bites reconnaissantes pour combler son vide intérieur… Evidemment, son égo à beau être en inflation perpétuelle, le politique n’hésitera cependant pas à toutes les bassesses et veuleries, tous les reniements pour arriver à ses fins, ce n’est pas contradictoire.

Regardez-les, mais regardez-les putain ! Je suis le seul à être mal à l’aise quand je vois un homme politique se faire interviouver à la télé ? Mal à l’aise devant ces gueules suantes, ces yeux humides, ces airs de mecs contents d’eux mais quand même un peu implorants, désirant par dessus tout être aimés pour ce qu’ils sont, sans rien accomplir jamais ? Ces corps épuisés et vaincus d’êtres qui se détestent et passent trop de temps assis au restaurant à engranger de la nourriture trop riche comparée à leurs dépenses caloriques quotidiennes ?

Ces tronches sont les visages même de la Corruption, et je ne fais pas seulement référence aux pots-de-vins et aux caisses noires, mais bien à la dépravation et la déliquescence biologique de ces gens, le résultat de générations de sociopathes s’étant reproduits, de failles majeures et insondables dans un arbre généalogiques, de fioul lourd et épais servant de sang, de mutations lovecraftiennes transparaissant malgré tout le travail des conseillers en communication dans les regards, le body-language, le maquillage fondant sur un faciès graisseux, les traits bouffis et vieillis prématurément par le manque d’empathie et les pulsions auto-destructrices, par la tristesse intérieure d’individus qui ne veulent pas foutre la paix aux autres, et perdent un temps précieux à manifester et s’époumoner au lieu de se construire ! Visages d’Arlette Laguiller, de Marine Le Pen, de Jean-Luc Mélenchon, de Manuel Valls (regardez-le parler de morale, avec sa bouche et ses yeux ! Mais regardez ses yeux !), de Philippe Séguin, de Gilbert Collard. De Jack Lang, putain ! Jack Lang, j’allais l’oublier, avec sa gueule vérolée qui, lorsque j’allume ma télé, me donne l’impression d’avoir ouvert une faille transdimensionnelle directement vers le neuvième cercle de l’Enfer ! Ces grosses poches d’organes respirent la violence atavique et la décadence… J’en ai des palpitations, la sueur me vient aux tempes rien que d’en parler, de réaliser qu’un Etat géré par des gens portant la mort sur leur gueule sans que personne trouve rien à y redire est bon pour la poubelle, fini, lessivé, dernier inventaire avant liquidation des stocks, on va fermer Monsieur il faut s’en aller maintenant…

On reproche à la politique d’être devenue une lutte cynique, une série de basses stratégies pour conquérir le pouvoir et le conserver. Mais il y a une autre conception, pire encore, qui se cache derrière. Sa dimension altruiste. Celle du jeune idéaliste pur et dur. Cette pulsion de l’homme-pieuvre qui veut votre bonheur, qui veut le bonheur de tout le monde, qui veut surtout que vous adoptiez sa conception du bonheur pour réaliser la paix sur Terre en vous englobant de tous ses tentacules comme dans un film pornographique Japonais…

Ceux qui ont tout le temps les mots “humanisme” et “fraternité” dans la bouche, et qui affichent l’amour du prochain comme un pendentif autour du coup sont souvent les plus beaux salauds. A l’inverse les misanthropes assumés qui clament à qui veut bien les entendre à quel point les Hommes les font gerber et feraient mieux de se débrouiller tout seul ont souvent en eux de quoi tutoyer les anges…

Pour soigner sa névrose, rien de mieux que de la généraliser. En crevant les yeux de tout le monde, on ne passe plus pour un aveugle. Toute vision politique, de Saint-Paul à Hitler en passant par Bayrou n’est qu’une émanation corrompue de la volonté de puissance, vue comme une volonté de contrôle de l’autre systématique. Cette incapacité crasse à exister sans les autres, et pire encore, à ne pouvoir exister que par eux. Pour les militants, les suiveurs, on est plus simplement dans une bête expérience de Milgram, révélant leur pulsion de mort et leur soumission au chef. Pourquoi tout le monde s’en bat la race de François Hollande ou de Jean-Claude Juncker ? Parce qu’ils n’incarnent pas la figure du Père.

4. On ne choisit pas ses opinions politiques (ce sont vos gènes et votre cerveau qui le font pour vous)

Personne ne convainc personne. Les gens se font un avis justement pour ne plus avoir à en changer. Vous aurez beau maitriser parfaitement les subtilités de la programmation neuro-linguistique, connaître la cartographie mentale de votre adversaire, ses goûts, ses peurs, être informés de mille sondages IPSOS, être formé à la rhétorique-kata la plus mortelle, aux prises de jiu-jitsu dialectique Attalo-Zemmouriennes les plus imparables, personne ne sort d’un débat convaincu de quoi que ce soit.

Personne ne change d’idée, jamais, autrement qu’en intensité. Tout l’enjeu des élections, des campagnes électorales, c’est de gérer la transmutation du golem étatique en jouant avec le potard des émotions réflexes, avec les considérations thermodynamiques que ça implique — mobiliser est le mot juste: la politique, c’est de l’alchimie.

Qu’est-ce que vous croyez, vous ? Qu’un homme politique à la télé, il parle à autre chose qu’à votre instinct ? Qu’à votre ventre ? Qu’à votre rapport au monde intime et irrationnel ? Le seul truc qui marche, dans la manipulation politique, c’est de vous élever dès votre naissance dans un environnement bien précis, au quotidien, pour créer un sentiment de nostalgie. Et encore, suffit d’un traumatisme, d’une mauvaise impression, et c’est foutu ! Plus jamais vous le possédez le type ! Dégoûté à vie du marxisme parce qu’un instituteur à collier de barbe l’aura grondé ! Juste ça, à l’instinct… Et puis y’a ceux qui se construisent contre leur enfance, ceux qu’en n’ont rien à foutre, on s’en sort pas…

Moi, je suis un gars honnête, un matérialiste qui ne croit qu’à l’atome, et je vais vous révéler un petit secret: nos opinions politiques sont influencées par notre génétique, nous ne les choisissons pas.

Même si vous êtes persuadé que votre conception du politique est un jeu d’échecs subtil et élaboré, il y a de fortes chances qu’elle ressemble en réalité à un match de catch: pataud, téléphoné, et complètement prédéterminé. Cette étude sur les différences biologiques entre libéraux et conservateurs aux Etats-Unis montre qu’un cerveau gauchiste est câblé différemment d’un cerveau droitârd. Le cerveau Démocrate valorise les connections sociales élargies, il se focalise sur les amis et le monde dans son vaste ensemble. Le cerveau Républicain valorise quant à lui les connections sociales étroites et se focalise sur la famille, et le pays.

Dans une autre étude, les chercheurs ont remarqué non sans joie que les cerveaux des gauchistes avaient un plus gros cortex cingulaire antérieur, qui sert à gérer les informations contradictoire, et le sentiment d’incertitude. Les droitârds, par contre, ont un plus gros amygdale, qui sert à identifier les menaces, et à y répondre. Les clichés respectifs du hippie et du redneck.

Cette division cérébrale de la population ne se limite pas aux opinions politiques, mais s’étend au contraire à pratiquement tous les aspects de la vie… Les conservateurs vivent et travaillent dans des environnements structurés, les libéraux dans des environnements plus désordonnés. Les conservateurs sont plus aptes à se concentrer sur des problèmes individuels, les libéraux sont plus ouverts aux nouvelles expériences, etc.

Je sais ce que vous vous dites. Vous vous dites “Mais Hazukashi, j’ai un copain gauchiste qui est un control-freak obsédé de l’ordre et du rangement, et un copain ManifPourTous qui fume des joints ! Comment cela se fait-ce ?”

Très cher lecteur, vous avez raison. L’Homme est une machine complexe. On ne peut pas prédire l’opinion politique de quelqu’un en découpant son cerveau dans chaque cas. Seulement dans 83% des cas.

Les 17% restants ? La soumission à la culture familiale, l’habitude, la méconnaissance de soi. Ne jamais sous-estimer la tendance des gens à aller contre leur nature.

Dernière étude amusante pour finir de vous démoraliser: votre opinion politique est liée à votre identité profonde, à votre Moi. Lorsque vous entendez un argument politique contraire à votre opinion, votre cerveau active plusieurs zones: précunéus, cortex cingulaire postérieur, cortex médium préfrontal et amygdale. Zones liées à l’introspection, à l’identité, au Moi, et à la gestion des menaces. Ce sont exactement les mêmes zones qui s’activent lorsque les gens entendent une déclaration religieuse. Votre opinion politique est physiologiquement constitutive de votre Être, tout comme vos sentiments religieux.

Vous ne choisissez pas pour qui vous votez. Dernier désenchantement après nous descendons du singe de Darwin.

La pulsion politique est ancrée en nous, un reste d’instinct grégaire, une zone irrationnelle de notre cerveau, réservée aussi au religieux, qu’il faut brider, comme notre cerveau reptilien. Un jour Google inventera une puce qui règlera ce problème et nos têtes pourront enfin arrêter de se bercer de conneries.

Les hommes se construisent un meuble et veulent rentrer la réalité dedans. Soutenus par l’inculture totale des philosophes et penseurs, leur manque de pragmatisme et de considération pour les bases biologiques même qui nous constituent. “Ma vision du monde est pure, je fais partie du monde, il ne peut pas être sale. C’est de la faute de la société, pas des hommes.” On en arrive ainsi à des gens perdant leur vie et celle des autres à s’époumoner dans le vide et à construire des monuments de sable à la gloire de visions caricaturales. Un communiste ne voyant le marché que comme étant composé de capitalistes cokés et dégénérés ne diffère en rien du fasciste ne voyant l’Afrique que comme étant composée de cannibales à grosses bites avec des glands en forme de tête d’Omar Sy pour une négritude maximale.

Au fond ils s’en cognent de tout ça, le militantisme, c’est un bon moyen de donner un sens à son dégoût général du monde, le coco de 2017 qui vote pour un parti qui fait 1% sait que ça ne mènera nulle part, mais ça lui donne quand même une bonne raison de se lever le matin et de résister à son envie poignante de se foutre la tête dans le four. En ce sens, c’est respectable, comme démarche. C’est un opium du peuple, comme disait Marx à propos de la religion sans s’apercevoir qu’il était en train de fabriquer du crack.

Même le plus allumé des identitaires sait au fond de lui que si Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou Adolf Hitler arrive au pouvoir demain en France, cela ne changera rien. Il y aura juste un mec en costume-cravate qui viendra voir l’heureux élu pour lui expliquer comment ça marche l’économie en vrai. Et puis il lui dira que s’il n’instaure pas une politique libérale, les agences de notations dégraderont la note de la France et l’obligeront à mettre en place un programme d’austérité qui ferait passer Margaret Thatcher pour une putain de hippie. C’est tout.

Mais in fine, le pauvre malheureux puant le ressentiment et la pulsion de mort se retrouve perfusé de conneries par des parasites professionnels. Qu’est ce que le politique sinon le plus grand parasite de tous les temps? Un type improductif au possible payé par l’état pour jacasser et convaincre le monde de ses idées pétées ? Et si, plutôt que d’avoir une “vision du monde et de la société”essayait d’être productif et rentable ?

Un politique est un gestionnaire, un type qui s’occupe de la construction de nos routes. C’est tout. Est-ce que mon conseiller bancaire me bassine avec ses états d’âme sur la démocratie et sur sa volonté de construire tous ensemble une société magnifique ? Ce n’est pas pour ça que je le paye. D’ailleurs je ne sais pas très bien à quoi je le paye lui non plus, je vais passer sur Boursorama tiens, mais ça nous éloigne de notre sujet.

On ne le répétera jamais assez: l’Etat est la forme la plus aboutie de la bande de pillards. C’est toujours la même chose: une bande de bourrins psychopathes prend le pouvoir par la force, montre ses gros muscles et ses grosses couilles, exécute quelques pauvres types paisibles, sécurise le territoire qu’elle a décidé de saccager, et finalement se retrouve à devoir pérenniser le truc pour sortir d’un lifestyle de cavaliers Mongols habitant dans des yourtes. Le racket pur et simple des autochtones devient prime de protection, puis système de régulation sociale se développant de plus en plus, avec des lois, et du droit. L’institutionnalisation de la violence. L’Etat. Les exemples ne manquent pas: noblesse féodale européennes, révolutionnaires Français, Bolcheviks, mafia sicilienne…

Regardez, Daesh, dernier exemple en date, vient de mettre en place un système de protection sociale pour la population des territoires qu’il occupe. Laissez-leur 1000 ans et vous aurez la République Française, avec une Histoire aussi glorieuse que la notre, pleine de Salam Abdul Louis XIV et de Napoléon Ben Akhbad et de Charles de Youssouf.

L’obsession politique est un réflexe, un mauvais réflexe. Le réflexe de quelqu’un qui plutôt que de travailler pour fournir à ses concitoyens un service dont ils ont besoin, préfère essayer de changer les règles de tout le monde selon ses propres intérêts.

5. L’idéologie n’est qu’un effet de mode vidé de son sens originel

Les gens ne changent jamais d’idées, mais les partis en changent, eux. Les convictions politiques des partis c’est fluctuant, très fluctuant même.. instable… ça change selon les humeurs… la météo… C’est jamais bien fixe. Les idées bougent, les partis aussi, comme un vaste jeu d’échecs sans queue ni tête, qui fixerait le sens que l’on attribue à la réalité du moment… Les communistes d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui… Le nom reste, comme une coquille vide, une image, un reflet, une carte postale, mais le sens qu’on y met est différent… L’étudiant en Histoire de l’Art à dreadlocks qui a un patch Lénine cousu sur son sac, sous Lénine, il aurait fini dans un camp.

Regardez, on assiste en ce moment même à une recomposition progressive du champ politique. Des anciens clivages gauche/droite, On est passé sur une dichotomie libéral/anti-libéral et les partis ne veulent plus rien dire. Un conviction politique, c’est enchaîné à un point de l’espace et du temps. Tout ce qu’on à pu lire sur le marxisme et les utopies du XIXème siècle avait un sens à l’époque, et paraît délicatement stupide au XXI ème siècle. Ce n’est que l’émanation d’un Zeitgeist. Jaurès était pour les colonies, il était de gauche. Georges Marchais était contre l’immigration. Jean-Marie Le Pen était libéral. Etc.

L’esprit du temps bouge. Il est évident qu’en 1968, c’est vers l’extrême-gauche qu’il y avait le plus d’émulation intellectuelle. Cinéma de la Nouvelle Vague, situationnisme, anarchisme, trotskisme, rock psychédélique, etc, etc… Aujourd’hui, c’est la droite réactionnaire la mode, le courant où l’on trouve des jeunes hype. La nouvelle contre-culture. C’est d’ailleurs un bon indicateur pour reconnaître un vieux: il est surpris d’apprendre que les 18–25 ans votent majoritairement FN, comme de vieux messieurs en complet-vestons tombant nez à nez sur des jeunes chevelus en pattes d’eph roulant un joint en écoutant Jethro Tull. Le Front de Gauche est aujourd’hui composé de professeurs à la retraite et de bourgeois parisiens, il est fort probable que dans quelques années, le Front National soit composé de Noirs et d’Arabes se plaignant des derniers arrivés. Les grandes idées sont comme les vagues, elles affluent, refluent, évoluent en même temps que notre inconscient collectif, et les individus s’y raccrochent selon la conception du monde instinctive que leur dicte leur cerveau. Jamais je n’ai n’ai vu des gens manifester dans la rue au nom de la raison ou de la science, étrangement.

6. Nous vivons un époque post-politique et néo-féodale, comme dans Deus Ex

Il faut voir la différence entre l’esprit intellectuel critique des 60’s et celui des 10’s. Obsession bien française pour les grandes idées abstraites, à plaquer tout ça n’importe comment sur la réalité (“ce ne sont pas les idées qu’il faut changer, ce sont les gens !”). Bourdieu, Lacan, Foucault, Derrida… Nous sommes devenus bien plus pragmatiques, malgré tous les efforts des journalistes (qui sont en fait les seuls à être obsédés par la politique) pour nous persuader que nous sommes des citoyens.

Ma génération est donc à peu près dépolitisée. On est arrivé à un paroxisme d’ironisation et de randomisation des opinions politiques, de plus en plus outrancières ou molles, mais toujours dénuées de fondement. Sur internet fleurissent les commentaires sexistes, racistes ou homophobes, comme disent les journaleux, sans s’apercevoir que la violence verbale outrancière est la marque de fabrique des internautes de 15 à 30 ans. La politique n’ayant plus de sens, elle devient simplement une forme d’humour trash et cynique, dont Dieudonné serait un avatar IRL. Ses propos sont scandaleux uniquement parce qu’on les voit sortir de sa grosse tête pâteuse et barbue, sous la forme d’un commentaire sur un forum, ils deviendraient fades et communs. Nous avons été élevés à South Park, pas à Guy Bedos.

Les partis politiques ne sont aujourd’hui que des éléments de pop culture parmi d’autres. Militer au PS ou au FN équivaut à être fan de Final Fantasy ou des Nike Air Jordan. Être fan de Final Fantasy et le faire savoir a cependant un peu plus d’impact sur la vie publique de la cité, nous sommes d’accord, mais il faut me pardonner, j’ai toujours tendance à légèrement caricaturer.

La politique, n’est plus aujourd’hui qu’une façon de se plaindre, de passer le temps en critiquant la pluie et le soleil. Là où je vois que ma génération n’est plus politisée, c’est qu’il n’y a plus que les losers et les frustrés qui s’y intéressent, tous les gens incapables de régler leurs problèmes personnels, et qui les plaquent donc sur l’ensemble de la société. Ils rejoignent les rangs du Front de Gauche ou du Front National, deviennent journalistes web ou s’inscrivent sur Twitter et s’alarment de tout et de rien, ils hurlent et s’indignent devant chaque actualité comme des pleureuses méditerranéennes accrochées au cortège funèbre de nos existences.

Je me souviens de mes cours de fac.. “Sociologie comparative du fait urbain”, “Politiques culturelles et sociales”, “Cultures, politiques et sociétés”, ou encore “Sociologie de la culture politique”, ce n’est plus très clair… Suffit de lire nos dissertations de sciences politiques… tous les étudiants de toutes les facs et écoles que j’ai hanté se contentaient de ressortir les soupes turbo-marxistes des profs pour avoir 13 ou 14. Je me rappelle avec délice d’avoir moi aussi étalé des tartines de colle dialectique sucrée sur des sujets aussi bien trouvés que “Existe-t-il des ghettos de riches ?” et “Pouvons-nous être citoyens du monde?” …

Les professeurs en polaire Quechua et en collier de barbe pour les hommes, en coupe garçonne et imprimés péruviens Desigual pour les femmes étaient désespérés à chaque rendu de copies devant la masse apathique se contentant d’avoir des notes correctes pour pouvoir ensuite travailler en entreprise.

Pauvres professeurs… C’était presque tragique de les voir tenir leurs convictions jusqu’au bout, malgré le réel, comme de jeunes institutrices tout juste diplômées du CAPES, rêves égalitaires dans les yeux, jetées au milieu d’une classe de cailleras… Les voir réaliser que non, les peuples du monde ne vont pas se prendre la main pour faire une ronde autour de la planète… Que cette histoire finira sûrement dans le sang, comme toutes les histoires de l’humanité… Et pourtant continuer à y croire, comme un Raëlien attendant sa soucoupe volante… La minéralisation volontaire de l’esprit humain me dépasse complètement. La dissonance cognitive est le concept de psychosociologie qui me fout le plus les boules je crois.

Au final, à part quelques Social Justice Warriors, Soraliens, alter-mondialistes jointés, féministes hystériques et autres complotistes qui tentaient de “lancer des débats” en “interpellant la salle”, j’étais bien le seul à m’intéresser à la politique, à boire les cours magistraux, à lever parfois timidement la main pour tenter de contredire le professeur (qui était très ému que quelqu’un émerge de l’indifférence, et s’intéresse enfin à son cours). Mais c’était moi qui avais tort, c’était moi le dernier homme incapable d’encaisser le réel et cherchant à répandre ses névroses dans le monde comme un virus. Comble du pathétique, j’ai fini par ouvrir un blog pour continuer à hurler à la face du ciel, on ne se refait pas…

Tous les autres avaient bien raison de s’en battre les couilles du contenu des cours magistraux pontifiants et moralistes. Ils étaient utilitaristes: l’important était de valider son mastère pour arrêter de réfléchir à des concepts vaseux et commencer à faire du fric. Bouffer d’une oreille distraite les balivernes cheguevaresques des professeurs, les intégrer comme une étiquette (dire que oui, nous sommes citoyens du monde de la même manière qu’on ne met pas ses coudes sur la table) et passer à autre chose. C’était déjà assez dur de savoir que tout ce qu’on nous faisait ingurgiter n’avait strictement aucun intérêt pour notre future carrière. Les seuls qui aimaient réellement ces conneries ont fini par faire de l’humanitaire en portant keffieh et écarteurs d’oreilles, soit une des définitions possibles de la dépression nerveuse.

Il est aberrant de voir en 2017 des adultes rêver encore à changer la société, plutôt que d’avoir l’humilité de se changer eux-mêmes. Négation directe de l’individualité la plus basique, et du corps physique. Des nourrissons persuadés que tout leur environnement fait partie d’eux-même. Le stade du miroir n’a jamais été atteint. D’ailleurs, la célèbre phrase “si tu ne t’occupes pas de la politique, c’est la politique qui s’occupera de toi” est rigoureusement fausse : c’est l’exact inverse qui se produit, et les politiques l’ont bien compris, eux qui veulent rendre le vote obligatoire pour qu’on s’occupe un peu d’eux, qu’on leur donne un peu d’attention, et qu’en ça on légitime leur pouvoir. Un homme politique élu avec 35% des voix est pieds et poings liés face à son électorat, car il sait qu’il ne représente personne, et qu’il faut donc qu’il fasse gaffe, il n’est investi d’aucun pouvoir. Dans sa tête, c’est comme si ses pieds et ses mains ne lui appartenaient plus. Un homme politique est comme un enfant de 6 ans hyperactif privé de Ritaline, il déteste par-dessus tout qu’on cesse de faire attention à lui. C’est bien pour ça que lorsque l’on mentionne le mot Google, il se fâche tout rouge et fait beaucoup de bruit avec sa bouche. Les business-men en tongs et t-shirts de la Silicon Valley qui ne paient pas l’impôt non seulement échappent à son emprise, mais ne lui font même pas l’honneur de s’opposer à lui. Ils font simplement leurs affaires sans lui, à coté de lui, sans s’ occuper de lui le moins du monde.

La politique est morte et enterrée, mais les Français qui sont de gros dégueulasses s’amusent encore a jouer aux marionnettes avec son cadavre. Les technocrates de Bruxelles ne sont que des gestionnaires inféodés aux agences de notations, aux banques, aux groupes de pression divers et c’est tant mieux. Nous sommes dans une société post-politique, et il est impossible de revenir en arrière. Nous vivons maintenant dans Deus Ex, déso.

Les hommes politiques ont retrouvé leur rôle de gratte-papiers de la Cité Interdite, arpentant les provinces de l’empire dans leurs petites chaises à porteurs, pendant que les Seigneurs de la Guerre de notre monde néo-féodal s’occupent réellement du pouvoir. La politique mute, devient autre chose, se cantonne à un rôle sociétal ou identitaire: judéo-chrétiens libéraux d’un coté, anti-libéraux arabos-musulmans de l’autre. Tout comme les cathédrales sont aujourd’hui remplies de vieillards se racontant des contes pour enfants, sans aucune incidence sur le monde réel, les assemblées sont aujourd’hui remplies de vieillards annonant des lois sur les motocrottes.

On dira tout ce qu’on voudra sur François Hollande, mais c’est lui qui incarne le mieux la fonction présidentielle: il a une tête de guichetier de la sécu qui s’enfile des dossiers chiants comme la pluie, une tête de fonctionnaire. Une tête de président.

Maintenant que je vous ai tous assommés, je peux conclure… Moi, ma conception de la politique s’arrête au palier de mon appart. Ma conception de la politique, c’est de foutre la paix aux gens. Je n’aime ni suivre, ni mener. Ils ont déjà tellement de problèmes personnels à gérer, faut pas en plus que des connards égocentriques aillent leur imposer leurs propres soucis… Rajoutant couches de névroses sur pâte feuilletée d’angoisses… L’homme politique est un être immoral par essence, dont la simple existence constitue un crachat à la face de l’humanité. Regardez leurs gueules, regardez leurs crimes, regardez leur impardonnable tartufferie… La politique est un vice en soi. Un vice qui n’est tolérable si l’on ne s’en sert que pour soi, son jardin ou son foyer, et encore. L’économie, eco nomos, sont les règles de la maison, et sont le mieux à même de gérer un foyer et par extension, une société.

Et je ne suis sûr que d’une chose: les gens comme moi, qui restent tranquilles dans leur coin en s’occupant de leur gueule, n’ont pas fini d’en chier…

Publié initialement sur hazukashi.fr

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Hazukashi

Écrivain parisien / chef de projet numérique. Rive droite, open-space, alcool et enfers de la Start-up Nation. Contact : himboda(at)gmail.com